Officiellement, depuis le mois de juin 2022, le Tchad est en état d’urgence nutritionnelle et alimentaire. C’est à travers un décret que le gouvernement a notifié à l’opinion nationale et internationale cet état de fait peu reluisant. C’est à la fois un aveu d’échec et un appel à la solidarité nationale.
La déclaration d’État d’urgence alimentaire et nutritionnelle signifie que le Tchad vit une très grave crise alimentaire et nutritionnelle. Pour s’en convaincre, sur la base de l’analyse des résultats du Cadre harmonisé de novembre 2021 relatif à la situation alimentaire et nutritionnelle au Tchad, la campagne agricole 2021-2022 s’est révélée déficitaire de plus de 291 341 tonnes, soit une baisse de 6,28% par rapport à l’année précédente et de 6,33% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La disponibilité apparente est de 143 kg/pers/an, soit une baisse de 10,1% par rapport à la norme de consommation qui est de 159 kg/pers/an. Comme corollaire, au total 1.731.246 personnes sont identifiées en situation d’insécurité alimentaire et nutritionnelle pour la période allant de juin à août 2022.
Et dire que le Tchad a tout pour inverser la tendance, n’eût été un manque de vision et des défis de gouvernance. Le pays de Toumaï est un scandale géologique recelant d’inestimables ressources minières et minéralogiques. A titre illustratif, le potentiel agricole du Tchad est impressionnant : 39 millions d’hectares cultivables dont 5,6 millions d’hectares irrigables et 330.000 hectares situés à proximité des cours d’eau. Seuls 2 millions d’hectares sont exploités. Le pays compte un cheptel estimé, à environ 90 millions de têtes de bétail (ovins, caprins, camelins, etc.). Le Tchad a tout pour être l’un des greniers d’Afrique. Que nenni !
Plusieurs programmes et politiques publics ont été mis en œuvre mais les résultats sont en demi-teinte. On peut rappeler, entre autres, la Société de Développement du Lac, l’Office National de Développement Rural, le Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA), l’Agence Nationale pour le Développement Rural. Que de milliards engloutis et pourtant, les Tchadiens ont toujours faim. Le PNSA, l’un des plus gros programmes de développement jamais financé, était censé permettre aux Tchadiens d’accéder à la sécurité alimentaire. Mais bien des années après, la mauvaise gestion, le clientélisme, et bien d’autres dysfonctionnements ont eu raison de ses nobles ambitions.
Au-delà de la conjoncture internationale et des cataclysmes, l’atteinte de la sécurité alimentaire n’est-il pas possible au Tchad ? Ne peut-on pas inverser la tendance ? Si. Pourvu de s’en donner les moyens et de faire preuve d’une réelle volonté politique à tous les niveaux.

Mbaïdedji NDjénodji Frédéric