Les experts estiment que l’entrepreneuriat est un facteur essentiel pour un développement durable. Il l’est encore davantage pour notre pays où plus de 90% des populations vivent dans le monde rural. Tout le monde s’accorde à vanter les nombreuses opportunités entrepreneuriales du Tchad, notamment dans le domaine agropastoral. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 39 millions d’hectares de terres cultivables, 5 millions de terres inondables, un cheptel abondant et varié. Au début de son quatrième mandat en 2011, feu le président Idriss Déby Itno déclarait consacrer les trois premières années de son quinquennat au monde rural. Car malgré ce potentiel, le Tchad vit une «situation scandaleuse [et] n’arrive pas à s’auto-suffire au plan alimentaire «, a-t-il reconnu à l’ouverture du forum sur le développement rural en 2011.
Cependant, le contexte tchadien marqué par l’insécurité en milieu rural n’encourage pas beaucoup d’aventure entrepreneuriale dans ce domaine. Le récurrent conflit agriculteurs-éleveurs intimement lié à la gouvernance administrative défaillante ; le mauvais climat des affaires au Tchad ; la mauvaise gouvernance économique et politique du pays. Bref, si le Tchad se porte mal, c’est à cause des Tchadiens eux-mêmes, surtout de leurs dirigeants.
Malgré d’énormes ressources financières engrangées depuis l’ère pétrolière et les potentialités agricoles dont regorge le pays, la famine sévit dans certaines de nos provinces de manière quasi-endémique. Par décret n°1520 du1er juin 2022, le gouvernement a même décrété l’état d’urgence alimentaire au Tchad. Cela a suscité de l’indignation chez plus d’un internaute. Beaucoup de Tchadiens ont estimé que le gouvernement se livre là à une plaisanterie de mauvais goût. D’immenses ressources ont été mobilisées pour assurer la sécurité alimentaire du Tchad. Qu’est devenu le Programme National de Sécurité Alimentaire ? L’on attend la publication de l’audit de la gestion de cette institution effectuée par la défunte Cour des Comptes.
Rendre l’entrepreneuriat agricole attractif suppose d’assurer l’accès facile au financement, lutter contre les nombreuses collisions entre les intérêts particuliers et les intérêts communs, en pratiquant la justice et l’égalité dans le traitement des conflits agriculteurs-éleveurs. De même, la mise à disposition des facteurs de production devra être guidée par la même logique pour éviter, par exemple, que des personnes bien placées dans les sphères militaro-administratives s’accaparent ces moyens pour les sous-traiter avec les vrais producteurs. Pour parvenir à assurer la sécurité alimentaire, il convient de regarder du côté des investissements privés, notamment ceux des privés Tchadiens.
Outre le secteur agricole, le Tchad est un terrain vierge dans le domaine de l’entrepreneuriat, estiment d’autres analystes. Mais en plus l’insuffisance de la culture entrepreneuriale des jeunes, il faut lutter contre les nombreuses autres entraves structurelles et systémiques liées à la corruption, au népotisme, au clientélisme pour que chaque jeune tchadien entreprenne avec les mêmes chances de réussite son business. Cela, quel qu’en soit le secteur pour convaincre les jeunes à croire en leur potentiel créatif.

Nestor H. Malo