Lundi 11 mars 2024, le ministre des Finances, à travers une circulaire, a annoncé la gratuité de l’électricité et de l’eau jusqu’à la fin de l’année. La circulaire précise que les factures seront prises en charge par l’État dans la limite de 300 kWh par mois et par ménage.
Fait anodin, mais très significatif : pendant que le gouvernement annonce cette gratuité de l’électricité, beaucoup de ménages n’y ont pas accès ! L’électricité est pourtant fondamentale au développement : elle allonge le nombre d’heures de travail, permet aux étudiants de lire aussi longtemps qu’ils le souhaitent, est déterminante pour le fonctionnement des appareils dans les hôpitaux, propulse l’économie du pays, etc.
Le dernier rapport de la Banque mondiale et de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) intitulé « The Energy Progress Report 2023 » de décembre 2023, classe le Tchad 52ème sur 54 pays avec 11% de taux d’accès à l’énergie. Dans le plan d’urgence d’accès à l’électricité 2021-2023, la consommation moyenne annuelle de l’électricité par habitant au Tchad est estimée à 47 KWh/hbt, alors que celle de l’Afrique Centrale est de 109 KWh/hbt. Le parc national de production d’électricité sur l’ensemble du territoire (SNE et quelques prestataires IPP : VPOWER, AGGRECO et SRN) tourne autour de 186,135 MW dont seulement 107,575 MW disponibles. Sur cette capacité, 90% sont concentrés dans la seule ville de N’Djamena. Malgré tout, la distribution est inégale et irrégulière dans la capitale. Par exemple, dans certains quartiers de la capitale, la SNE fournit l’électricité sans interruption. Pendant que dans d’autres, c’est tard la nuit que l’électricité apparait pour un laps de temps. Certains quartiers de la capitale sont constamment dans l’obscurité.
Face à ce tableau sombre, les autorités tchadiennes clament leur volonté de rendre l’énergie disponible et accessible à tous. Le Gouvernement de la République du Tchad, à travers le département en charge de l’Energie, ambitionne d’atteindre un taux d’accès à l’électricité de 53% à l’horizon 2030 sur l’ensemble du territoire. Les intentions existent peut-être. Mais les actes ne suivent pas. Ce que l’on retient au Tchad des stratégies et autres projets qui les accompagnent, c’est justement que les idées sont souvent bonnes. Mais, leur mise en œuvre pose problème. Les projets d’envergure nationale ont abouti au même résultat : l’échec. Il est alors permis de douter de cette volonté d’agir pour faire du problème d’accès à l’énergie un vieux souvenir.
Et la tâche sera d’autant plus grande dans ce pays où les principaux obstacles à l’extension du réseau électrique résident dans l’insuffisance des capacités de production, la mauvaise qualité des infrastructures de transport et de distribution, le coût de fourniture dans les zones reculées, le manque d’une main-d’œuvre qualifiée, la gestion commerciale opaque pour ne citer que ceux-là. Augmenter la capacité d’approvisionnement en énergie, rendre gratuite l’électricité, favoriser l’accès de l’électricité sont des promesses qu’affectionnent nos hommes politiques. Elles reviennent dans toutes les déclarations parce qu’elles endorment le peuple et font tilt chez les partenaires.
Pour une fois, que ces promesses ne servent pas d’alibi à la crème de s’en mettre plein les poches injustement et en toute impunité, au détriment de l’atteinte des résultats escomptés. L’histoire nous enseigne que nous avons le droit de douter. A ceux qui ont la charge de rendre l’énergie disponible et accessible sur l’ensemble du territoire de nous convaincre du contraire.
Dieudonné Pechene