A l’heure actuelle, c’est le branle-bas de combat dans les différents états majors politiques du Tchad. Une seule préoccupation taraude l’esprit des Tchadiens : le referendum constitutionnel, cette consultation devant leur permettre d’adopter une nouvelle constitution et conduire la destinée du pays. Ce n’est pas la première fois que les Tchadiens se livrent à cet exercice citoyen. Le chronogramme de la Commission nationale chargée de l’organisation du referendum constitutionnel (CONOREC), après un premier report, a arrêté la date du 17 décembre 2023, pour la tenue du scrutin.
Ce referendum constitutionnel marque un tournant majeur dans le parcours politique du pays. Un parcours tumultueux, jalonné d’instabilité récurrente. Cet exercice, c’est l’opportunité pour les citoyens tchadiens de se prononcer en leur âme et conscience sur les grands enjeux de développement. Bref, sur la marche et l’avenir du pays.
Ce scrutin referendaire, une des résolutions phares du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), devrait permettre aux Tchadiens de parvenir à un retour à l’ordre constitutionnel, matérialisé par l’adoption de l’acte fondamental et conséquemment, la tenue des élections législatives et présidentielle et à la mise en place des institutions républicaines. La mort tragique du Maréchal Idriss Deby Itno en avril 2021 avait plongé le pays dans une période de convulsions et d’incertitudes, d’où la mise en place d’une transition politique dirigée par un Conseil militaire de transition.
Des enjeux multiples sous-tendent le referendum constitutionnel du 17 décembre, dont le principal est la problématique de la forme de l’Etat. Quel Etat pour un Tchad refondé ? Un Etat unitaire fortement décentralisé (une trouvaille nationale) ou un Etat fédéral ? A l’opposé des partisans de l’Etat unitaire qui ont pour cheval de bataille l’unité nationale et préviennent des risques de balkanisation, le bloc fédéral appelle au rejet systématique de plus de 60 ans de jacobinisme qui n’a en rien impulsé le développement du pays. Une troisième voie, celle du « ni oui, ni non », appelle au boycott pur et simple de ce scrutin dont le processus a été biaisé.
Justement, les enjeux liés à la conduite de la transition et au processus électoral ont cristallisé les attentions. Pour certains, tout est biaisé. La mise en place d’une coalition présidée par le Premier ministre de transition, Saleh Kebzabo, chargée de battre campagne pour le « Oui » au referendum, laisse perplexe sur l’impartialité des autorités. Quel traitement de faveur faut-il accorder aux partisans du « non » dont la posture est somme toute légitime en terme de débat contradictoire ? Par ailleurs, en proposant un projet de texte constitutionnel essentiellement porté sur l’Etat unitaire décentralisé, n’a-t-on pas coupé l’herbe sous les pieds des fédéralistes ? Pourquoi n’a-t-on pas soumis au jugement des électeurs deux projets de texte différents ? Des questions restées jusque-là sans réponse malgré la montée au créneau des contradicteurs.
La prise en compte des aspirations des diverses couches de la société permettrait d’éviter des frictions pouvant hypothéquer l’avenir du pays. Ce referendum constitutionnel est un moment fort dans la vie des Tchadiens et il ne profiterait à personne de le biaiser. Sans préjuger de l’issue des élections référendaires du 17 décembre, chaque tchadien est appelé à une maturité politique quelle que soit son bord politique. Il faudra faire prévaloir l’intérêt supérieur de la nation sur les conflits d’ego et de positionnement.
Vivement, que les témoins de l’histoire ne puissent pas dire à regret un jour que c’est une occasion manquée pour le Tchad que nous voulons, un pays émergent et refondé sur des bases nouvelles de justice sociale et de bonne gouvernance.
Mbaïdedji NDjénodji Frédéric