Dans une interview exclusive accordée à la revue tchad-Culture.com, la Vice-Présidente du Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental (CESCE), Mme. NGARALBAYE MAYALA Monique présente les attributions de son institution, les réalisations et les difficultés qui entravent l’atteinte des objectifs du Conseil

Tchad-Culture.com (TC) : Mme la Vice-Présidente NGARALBAYE MAYALA Monique, parlez-nous un peu de votre institution ? 

NGARALBAYE MAYALA Monique (NMM) : Je voudrais d’abord vous remercier d’avoir pensé à notre institution en nous offrant cette opportunité de faire connaître cette institution au peuple tchadien. En effet, le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental est l’une des grandes institutions de la République mais qui n’est pas très bien connu du grand public. Il est une émanation des Nations. La décision de créer le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental a été prise après la Seconde Guerre mondiale. C’est une assemblée  consultative qui joue le rôle de conseil auprès des pouvoirs publics  sur toutes les questions sociales, économiques, culturelles et environnementales. Le Conseil du Tchad a été créé par l’Ordonnance 22 du 18 juin 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement du Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental. Il est composé de 25 membres  issus de différentes corporations. Les membres du Conseil portent le titre de Conseillers de la République. Ils sont nommés par le décret du Président de la République. C’est un décret qui entérine le choix des différents membres par leurs corporations respectives. Le Président du Conseil qui est une personne ressource, est nommé par le Président de la République. Les membres du conseil sont choisis par rapport à leurs expériences et leurs compétences avérées mais et surtout par rapport à ce qu’ils font de concret au sein de la société.

Le schéma du Conseil est fourni par les Nations Unies de par notre statut qui est consultatif.  Le Conseil donne ses avis à travers des sessions qui se tiennent deux fois dans l’année. Il faut préciser que certains sujets d’actualités, le Conseil s’en saisit et dresse des rapports à travers ses experts qui viennent des différents départements ministériels mais aussi des partenaires au développement. Le Conseil sollicite aussi le service des experts indépendants  pour des études et analyses plus poussées assorties des recommandations au Gouvernement. C’est pour vous dire que le Conseil a pour mission de constater ce qui se passe dans la société et de s’autosaisir afin d’améliorer les conditions de vie de la population.

TC : Comment fonctionne le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental ?

NMM : Le Conseil a une session plénière qui est l’organe suprême. Il dispose un Bureau exécutif composé de sept (7) membres. Il s’agit d’un président, un vice-président, un questeur et quatre rapporteurs. Dans la nouvelle Constitution, le nombre des membres est revu en baisse.  Désormais, le Conseil sera composé de 21 membres au lieu de 25 membres prévus dans l’ordonnance citée ci-haut. Alors, nous attendons la loi organique qui va définir les attributions, organisation et fonctionnement de notre institution.

Nous avons également cinq commissions spécialisées qui s’occupent des thématiques spécifiques en fournissant des rapports au Bureau exécutif appuyé par le Secrétaire général.  Le Conseil compte parmi son personnel des fonctionnaires et contractuels qui l’aident dans l’accomplissement de ses missions.

TC : Pourriez-vous nous éclairer sur les réalisations de votre institution ?

NMM : Il serait un peu difficile de parler des réalisations de notre institution surtout que le Conseil est une institution consultative. A ce titre, ses actions sont très discrètes parce qu’il s’agit des conseils en termes des avis et recommandations adressées au Président de la République et au Président de l’Assemblée Nationale, pour le cas précis au Président du Conseil National de Transition. Ce qui fait que nos réalisations sont très discrètes.  Cette année, notre session porte sur la cherté de la vie qui touche tous les Tchadiens. Nous avons constaté la flambée de prix des denrées alimentaires sur le terrain. C’est pourquoi, nous nous sommes saisis de cette situation.  Nous avons mis en contribution les responsables des départements ministériels concernés et les experts afin de trouver des solutions à ce problème récurrent.  Nous avons fait des recommandations avec des pistes de solutions concrètes pour permettre au Gouvernement de juguler cette situation.  Le conseil  compte en son sein des représentants  de la société civile et de la jeunesse, et cela permet de remonter assez facilement les informations relatives aux maux qui minent la société et d’en faire des propositions aux plus hautes autorités.

TC : Les actions du Conseil ont-elles un impact ?

NMM : Comme je le disais nos actions sont très discrètes. L’impact dépend de la manière dont le Gouvernement met en œuvre nos différentes recommandations et avis. Nous n’agissons pas directement parce que nous sommes un organe consultatif.  Nous savons qu’il y a un impact. Nous avions fait une session sur l’emploi des jeunes et nous avons assisté aujourd’hui à la mise en place des différents projets en faveur des jeunes pour leur insertion socio-professionnelle.  Alors, l’impact n’est pas direct mais il dépend plutôt de la manière dont le gouvernement traduit dans les faits nos différentes recommandations.

TC : En quoi consiste le mandat des Conseillers de la République ?

NMM : C’est un mandat consultatif. Nous sommes appelés à regarder ce qui se passe dans la société, les difficultés de la population et les formuler en termes de recommandations afin d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens sur le plan social, économique, culturel et environnemental. Nous remontons  par exemple les informations relatives  aux comportements déplorables de certains agents de la garde forestière et fauniques dans le monde rural afin des mesures soient prises par leurs hiérarchies dans le respect des droits de l’homme.

TC : Quels sont les rapports que le Conseil entretient avec d’autres institutions ?

NMM : Nos répondants directs sont le Président de la République et le Président du Conseil National de Transition qui sont destinés les avis et recommandations du Conseil.  Néanmoins nous entretenons des rapports cordiaux avec l’ensemble des institutions républicaines.  Nous avons de très bonnes relations avec tous les membres du gouvernement  du fait que nos thèmes touchent un certain nombre des départements ministériels et nous sollicitons leur collaboration lors que les circonstances exigent. Nous avons de très bons rapports avec les partenaires au développement qui appuient le gouvernement.  Ils participent aussi à nos sessions à travers des présentations spécifiques sur telle ou telle thématique. Le Conseil économique est assez respecté et beaucoup reconnaissent son importance. Ce qui nous manque c’est la communication sur notre institution et aujourd’hui vous nous avez offert une très bonne opportunité de sensibiliser nos concitoyens sur ce nous faisons.

TC : Quel est la contribution du Conseil dans le domaine des droits de l’homme et le développement du Tchad ?

NMM : Notre rôle c’est d’attirer l’attention du gouvernement sur tout ce qui se fait en matière de développement. L’une de nos prérogatives, c’est de donner nos avis sur les projets et programmes que le Gouvernement entend mettre en œuvre. Nous sommes associés également à l’élaboration de certains projets à travers nos experts. Pour s’assurer si tel ou tel projet répond vraiment aux besoins de la population.  Actuellement le Gouvernement est en train d’élaborer le Plan National de Développement auquel nous sommes étroitement associés.

TC : Quels sont les enjeux et défis de votre institution ?

NMM : Le Conseil été très actif pendant le Dialogue National Inclusif et Souverain.  Lors de ces assises nous avons présenté les différents recommandations sur les différentes thématiques notamment la sécurité, la paix, la santé, l’éducation, etc., au comité d’organisation. Nous avons constaté que nos recommandations ont été prises en compte. L’enjeu pour nous, c’est le changement de mentalité des Tchadiens.  Pour arriver au développement, il faudrait qu’il y ait un changement de comportement de nos concitoyens. Il faut que chacun adopte un comportement responsable et de justice.  La justice ne peut venir que lorsque nous changeons de comportement en respectant le droit et les textes de la République.  Nous sommes égaux devant la loi alors il faudrait arriver à changer effectivement la mentalité de tous. Cela emporte aussi la question de la cohésion sociale, du vivre ensemble et la paix sociale.  Le défi, c’est que toutes les recommandations soient mises en œuvre pour que les Tchadiens vivent dans la paix, la justice et la cohésion sociale.

TC : Selon vous, le Conseil éprouve des difficultés liées à son fonctionnement ?

NMM : Comme la plupart des administrations publiques, le Conseil a un budget qui ne l’aide dans sa politique. Quand nous allons dans les grandes rencontres, nous nous rendons compte que notre Conseil a encore du chemin à faire.  Nous avons écrit aux plus hautes autorités sur l’utilité de donner au Conseil les moyens conséquents afin qu’il joue efficacement son rôle dans le développement du Tchad. Nous avons l’ambition d’installer nos points focaux dans les 23 provinces  et d’effectuer des missions de terrain afin de rencontrer les populations locales et connaître ses réelles difficultés. Le Conseil éprouve de difficultés en ce sens que les moyens ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Alors nous nous disons qu’avec la Vème République les plus hautes autorités vont y penser.

TC : Comment faire pour que le Conseil soit connu du grand public ?

NMM : C’est un déjà un début à travers cette opportunité que vous nous offrez.  La communication joue un rôle primordial dans la visibilité de l’institution.  C’est pourquoi, la collaboration avec les médias est une nécessité tout en créant des occasions et évènements pour permettre aux citoyens de connaître effectivement ce que fait le Conseil.  Il est vrai que les moyens y manquent mais nous sommes en train de faire des efforts dans ce sens.  Nous avons élaboré un plan d’action qui sera mis en œuvre incessamment. Je suis persuadée que si nous déroulons ce plan d’action. Les Tchadiens vont connaître le Conseil, ils comprendront mieux également ce que nous faisons.  Nous sommes un laboratoire d’idées pour le Gouvernement. Le travail que nous faisons n’est pas tellement perçu par le public mais il revient à nous d’être beaucoup plus visible dans nos actions.

Le Président de la République qui est élu, a programme ambitieux pour le Tchad à travers les 12 chantiers et les 100 actions. A ce titre, le Conseil doit avoir un rôle à jouer. Les Tchadiens attendent pour qu’on améliore leurs conditions de vie. Ils souhaitent que le Gouvernement leur accorde plus de justice, plus de liberté, plus de sécurité.

Pour finir, nous vous remercions pour cette opportunité et nous disons au peuple tchadien que le Conseil est à son service. Nous recevons très peu des requêtes de la part de la population et c’est le lieu de l’informer qu’elle peut nous saisir sur tous les sujets relatif au développement de notre pays. Nos concitoyens peuvent nous envoyer également des propositions et nous faire remonter des informations qui peuvent nous aider dans le travail.  J’invite le peuple tchadien à s’intéresser au Conseil parce que c’est sa maison.

Interview réalisée par ASNAN NON-DOUM SATURNIN